de retour au bercail

De retour à Nantes, il me reste à savoir comment écrire un peu sur ce séjour à l'ACF. Commenter du poker live n'a rien de facile. Données incomplètes, rôle des reads (quanti et quali) bien plus important, image primordiale... difficile de prendre une main par ci par là et d'analyser son jeu en s'appuyant sur un +ev de quelques points.

Commençons par quelques simplicités :

jeudi
soirée dans le pub d'un pote. Quelques pintes, du saucisson, quasiment le bonheur. Après ça, gros doute : je vais jouer ou je suis raisonnable et me repose pour le lendemain ? Finalement, j'ai beau être épuisé, l'envie est la plus forte. Et la bière sans effet notable, elle aiderait plutôt, au contraire, à faire passer le stress que je ressens à chaque nouveau séjour à l'ACF. Session sans histoire, de jolis pots, je me paie surtout en callant quelques bluffs trop appuyés et sur une main amusante, assez typique de ce qu'on peut trouver en cercle :


9 joueurs, blinds 2/2 (nombres sous réserve)
utg+1 relance (relance ACF classique) - utg+2 boîte (shortstack)
un joueur en MP paie (pas une grosse main probablement)

je suis au bouton avec JJ et hésite un peu. Le reraise est l'option
naturelle mais utg+1 a été plutôt tight jusque là et je préfère le tester. Les
blinds n'ont pas l'air de vouloir jouer, je décide de slowplayer ma paire.
utg+1 call

4 joueurs dont un à tapis. Flop : KK4, tirage trêfle

utg+1 bet 30, le joueur en MP fold et je paie histoire de voir ce que
donne le turn

Turn : un trêfle, utg+1 check et j'envoie 50 qu'il paie avec
réticence

River : doublette du 4, utg+1 check (nice!), j'envoie 60, il réfléchit puis paie
encore avec sa pp6 et je gagne même l'intérieur avec mes jacks... à la surprise de tout le monde, dealer compris.


Une bonne première session, que je termine à +400 avant d'aller prendre un long, très long, "petit-déjeuner" avec quelques croupiers et romaintique que je ne connaissais pas.


Vendredi
réveil douloureux après trop peu de sommeil. Mal de tête, pas la forme... mais j'y vais quand même. Et je vais vivre une nuit de cauchemar. Je trouve pourtant une table de rêve, composée uniquement de joueurs weak à mort à l'exception d'un Loose Aggro dont le jeu me plait beaucoup. Je ne vais hélas pas pouvoir en profiter. Quasiment tous mes bons flops se font outdraw, le LAG aura longtemps la position sur moi et ne cessera pas de toucher alors qu'il paie tout rubis sur l'ongle. Mon jeu s'est aussi terriblement déréglé. Bref... je me suis complètement cagoulé. Et je finis à -600... quand je décide enfin, vers 5h du mat', de faire un break. Qui sera définitif; heureusement que j'ai oublié ma carte Neteller chez mon "hébergeur"...


Samedi.
J'ai bien dormi, cette fois. Après une visite avec un pote au Cercle Concorde que je trouve tellement détestable que je n'y joue finalement pas, retour à l'ACF pour découvrir une liste d'attente... désespérante. Je suis à deux doigts de me casser à Wagram mais choisis de m'inscrire et d'en profiter pour aller manger puis me détendre un peu au bar. Une fois. Deux fois. Trois fois. Cette satanée liste semble n'avoir jamais de fin. Les joies de l'ACF un samedi soir...

Ma première table sera très agréable. J'ai avant moi trois potes venus se faire un we poker à l'ACF. Ca attaque sévère mais on y lit comme dans un livre ouvert. De l'autre côté de la table, des joueurs plutôt serrés, genre habitués attachés à l'éthique du poker. Donc, tranquille. Le jeu est assez fluide. Pas trop de souvenirs notables (un tirage flush attaqué au flop, checké quand ça rentre au turn contre un des "potes" puis check-raisé river), je finis à +200 sans trop d'efforts.

Hélas, la table casse rapidement et je me retrouve déplacé sur une table qu'un vieux gros avec un stack énorme est en train de martyriser en jouant la masse à la perfection tout en feignant de ne rien savoir ("je peux raiser là ?"). Tout le monde semble abattu et j'en profite pour jouer d'emblée le redresseur de tort :

- je ne crois pas à son inexpérience et l'annonce
- je sais qu'il joue la masse comme les vieux roublards qui jouaient déjà quand je n'étais pas né et l'annonce aussi
- je le bluff sur ma première main jouée et le montre

L'effet escompté se produit : la table commence à collaborer, checkant bien plus que ça ne bet quand il n'est pas dans le coup. Et même à s'énerver de son petit jeu de l'idiot qui ne marche plus, l'obligeant à changer son style de jeu (c'est beau un soi-disant débutant qui s'adapte en deux ou trois mains...). Petit à petit son stack s'émiette tandis que le mien grossit en jouant les flops très agressivement. Et je finis par lui porter le premier gros coup dur sur un joli chattage :


petite relance (pour l'ACF, on est sur du 3BB) et je suis avec pp4.
Il complète du SB et on se retrouve à 5-6

Flop 255, il pot et je suis le seul à payer

Turn 4 (mwahaha), il check et j'en fais autant

River ?, il pot et je raise all-in qu'il paie avec... AA
joli slowplay ;)


Il finira par laisser l'essentiel de ses jetons avant de repartir un peu plus humble qu'en arrivant. +150 pour moi et une nouvelle table à tester qui, hélas, ne tiendra pas longtemps et me coûtera 50 sans que rien ne se passe. Il est alors 5h du mat, j'hésite entre rentrer et pousser encore. Je suis incapable de décrocher et démarre donc une nouvelle table en pensant ne pas y rester trop longtemps tout de même. C'était sans compter sur l'ACF qui update le badbeat jackpot à 20.000€... Je décide de ne pas quitter la table tant qu'il n'est pas tombé !

Je ferai tout de même un break à midi pour grignotter... une partie de mes 300 de gain après avoir allumé le dernier des "trois potes" de la veille (brelan de 5 au flop où je call son attaque, carré au turn que je bet gros comme pour arracher... et il me check-raise river avec Ace high lol). Puis retrouve ma place à la table, monte un gros tapis mais perd en peu de temps deux gros coups à quasiment 200€ chacun (TT vs KQo d'un débile profond qui va trouver une runner runner flush -mais je finirai par me refaire dessus- puis AA vs 99, all-in au flop et 9 river qui fait mal) et ne la quitterai qu'à 22h30 avec cette fois 800 de gain après une main qui aura tétanisé la table :

AJ, je raise en late à 16 (le tarif normal) après les habituels limpers

Flop AJ7 (deux coeurs), le joueur à ma droite bet

ça fait des heures que j'essaie d'attraper ce type qui ne sait pas coucher
un as et s'est monté un joli tapis en payant des pot flop et turn sur un tirage
"as". Je relance donc assez légèrement pour le piéger mais mange un inattendu
reraise d'un jeune américain au BB... payé par mon ami des as.

Un peu d'hésitation, je sens le BB plutôt mal à l'aise et pousse le tapis.
Payé et payé. L'américain est aux fraises dès le flop, mon ami aux as est cette
fois sur une bien meilleure main que prévu avec tirage quinte et flush.

Mais, comme dans les films, le gentil gagne à la fin et se retrouve avec un stack de 1000€ qui paralyse complètement la table. Je reste bien deux tours de plus qui ne m'apporteront rien. Tant pis pour le badbeat :(

Un repas de plus à l'ACF et la fatigue commence enfin à se faire sentir après 27h de poker et de double café + bouteille d'eau. Je traîne encore un petit quart d'heure, à me demander si j'y retourne, chercher ce foutu badbeat... ou pas. Pour la première fois du week-end, la raison l'emporte .


Bilan : 1200€ de gain. Un résultat dans la partie basse de l'objectif que je m'étais fixé. Et moins bon que le passage de septembre. La faute en incombe essentiellement à cette soirée de vendredi dont je ne suis pas fier. Pas su gérer mon sommeil. Pas su ne pas jouer. Pas su faire le break qui s'imposait. Pas su m'adapter. Pas su m'arrêter. La leçon était un peu cher mais très instructive.

Pour autant, j'en suis à environ 70h jouées en NL 30-200 pour +2800€. Bien trop peu pour faire des stats, bien sûr, mais, néanmoins, la tendance est nettement satisfaisante. Même si, j'en suis bien conscient, elle est largement améliorable, mon jeu souffre encore de quelques défauts (que j'ai noté, il y en a donc certainement d'autres que j'ignore).


Quelques indications sur mon "style" par rapport au online
et conseils qu'on m'a demandés :


On ne me croit pas. Jamais. Et d'autant moins que j'envoie du lourd. J'utilise donc beaucoup ce manque de crédibilité à mon avantage (mais ce n'est certainement pas propre à moi, la majorité des joueurs ne doit pas croire la plupart de leurs adversaires). Et j'ai bati un jeu autour qui ressemble à du lowball (multiplie les petits pots) avec de brusques accélérations. Je ne sais pas trop comment mieux le décrire. Je pédale, pédale, pédale pendant un temps interminable et passe d'un coup en mode turbo pour un pot énorme qui fera l'essentiel de mes bénefs.
Si mon jeu reste aussi loose en live qu'online, je suis toutefois moins agressif. Trop de joueurs dans chaque pot, trop de shortstacks infoldables, trop de calling stations. A l'inverse, étant donné que ça attaque beaucoup trop en général, il est bien plus rentable d'aller à la pêche au bluff. Ca ne veut pas dire pas agressif. Loin de là. Mais une agression bien plus "sélective", d'autant qu'il est possible en live de s'appuyer sur ses reads pour choisir qui, quand et comment.


Il se trouvera toujours un ou deux joueurs à la table pour vous reprocher de n'avoir pas tenté d'arracher le pot une troisième fois à la river. Laissez-les dire si vous savez que votre adversaire a deux paires (qu'il ne couchera donc jamais) ou qu'il vous met sur un tirage couleur qui n'est pas rentré (idem). Concentrez-vous sur les quelques "weaks" qui se couchent au flop ou à la turn. Ou sur des adversaires qui jouent "straight" en les payant régulièrement au flop, même sans rien, à la recherche d'un signe de faiblesse au turn. Avantage : ce n'est pas vous qu'on mettra sur un bluff. Autres bonnes cibles, mais plus dangereuses : les vieux gamblers, habitués à envoyer lourd. Ceux-là ne sont pas dupes et savent reconnaître la différence entre un déglingo et un loose qui joue en fait les implieds sur un jeu solide. Ils me respectent en général quand je suis dans un coup (et quand ils ne le font pas, c'est presque à chaque fois qu'ils ont du très lourd en main), il est donc possible d'en profiter un peu.

Pour accentuer ça, je montre régulièrement un bluff complet alors que je bluff très peu (mais semi-bluff pas mal, évidemment) : un 7 high, un Ks5s alors que le board est à coeur et que vous n'avez pas une paire, etc etc etc. Pas besoin d'en faire/montrer des masses : juste quand je commence à remarquer qu'on ne paie plus mes grosses mains. Penser aussi à slowplayer quelques grosses mains. En particulier celles qui, autrement, ne paieront probablement pas. Les joueurs notent le bluff absolu/le slowplay de bonne main. Ils ne réfléchiront jamais à pourquoi vous l'avez joué ainsi.

On lit partout qu'il faut mixer son jeu. Je ne vais, bien évidemment, pas dire le contraire. Mais c'est un exercice dans lequel les adversaires font l'essentiel du boulot. Je montre beaucoup de mains non nécessaires. Je discute pas mal à la table. Je plaisante avec les joueurs et les croupiers. J'essaie d'être sympathique. Puis j'en profite pour conseiller discrètement un fold. Comme une faveur que je fais à un adversaire. D'autres, au contraire, me prennent instantanément en grippe. Non seulement tout cela permet de passer le temps, mais ça aide surtout à mieux deviner leurs pensées lors d'un coup. Et, donc, leurs mains.

Les joueurs des tables à 30€ ne sont pas des pros du high stakes. Il est donc assez facile de les lire. Mais je n'en suis pas non plus. Et tout ce qui peut m'aider à savoir dans quel sens chercher est le bienvenu. Je me fixe en général deux ou trois joueurs cibles dont je sais que je vais leur prendre leur tapis tôt ou tard :
  • jeudi, un gars qui bet gros quand il arrache et raisonnablement quand il veut être payé. Transparent.
  • vendredi, le LAG que je piège plusieurs fois, mais le hasard est de son côté, et un tight weak à ma droite mais je n'ai jamais aucune occasion de le prendre
  • samedi, un joueur trop offensif, trop gambler. Puis le vieux joueur de masse qui fait son débutant.
  • dimanche, un gars qui me paie jusqu'au bout avec 3ème paire au flop. Tout fier d'avoir eu mon bluff. Il me doublera deux fois ensuite. Puis le gambler au KQ sur un rush de folie (tout surpris quand ça s'arrête). Et, enfin, l'amoureux des as.
Non pas que je ne joue pas les autres joueurs. Mais je les joue plus "normalement", en partant du principe que, sauf accident, on finira probablement à égalité. Bref : chercher le pigeon et le tondre (si, si, c'est possible).


Voila. Ce ne sont pas des conseils très originaux. Mais ce sont ceux qui me viennent à l'esprit et me semblent le plus important. Les tables à 30-200€ sont assez faciles. Ca y joue bien plus mal qu'online (même en descendant d'une ou deux limites) alors qu'on dispose en plus de bien plus d'information sur ses adversaires. Et d'informations bien plus fiables.

C'est tout ce kipik pour aujourd'hui.
Reste à gérer le retour online qui me fait à chaque fois très mal...

  1. gravatar

    # by Anonyme - 10:32 PM

    C'était sympa le ptit duj par contre je me suis levé trop tard le vendredie tantt pis je jourai sur la memme table qu toi la prochain fois que j'irai à l'ACF

  2. gravatar

    # by Anonyme - 10:57 AM

    Bien joué, Un bon week end ;)

  3. gravatar

    # by Anonyme - 1:12 AM

    "jouer la masse" ? C'est à dire ?

  4. gravatar

    # by Anonyme - 2:57 AM

    Un CR très enrichissant !
    Good Luck online !

    Nightanday

  5. gravatar

    # by Anonyme - 11:11 AM

    Ouais... en gros, quand tu perds, c est parce que tu es fatigué (et pas parce que les autres ont bien joué ce soir la), mais dés que tu es bien reposé, tu es capable de battre n importe qui, du vieux renard au jeune loup...
    Dommage que tu sois si peu objectif car sinon tes analyses sont toujours très pertinentes.
    Mais bon, si tu etais plus humble, ca ne serait plus tout a fait du Kipik non plus ;)

  6. gravatar

    # by Unknown - 1:21 PM

    commentaires en vrac, j'avais oublié de valider vos comments :

    * t'as ptet été plus malin que moi sur ce coup romaintique. Vu comment j'étais pas frais le soir alors que je n'avais pas picolé...

    * jouer la masse : c'est jouer son stack, la pression, plus que ses cartes. Une spécialité que maîtrisent en général les vieux gros en costard...

    * il y a fatigue et fatigue. J'étais bien plus fatigué, par exemple, après 20h de poker le lendemain que je ne l'étais le vendredi. Mais si t'es dans un état de fatique physique et mentale, le genre où t'as trop envie de rien, t'es tout mou, t'as pas la pêche, alors jouer au poker n'est pas du tout une bonne idée. Je le sais très bien mais de là à appliquer...

    maintenant, sur ton point plus précis, anonyme, les autres jouaient-ils mieux le vendredi que les autres fois ? Ben non. La table était même une des plus mauvaises à laquelle je me sois assis. Le seul qui m'a bien plus, c'est le LAG avec qui on a bien fait souffrir la table (lui surtout, notamment à cause de la position). Je le dis dans mon texte, d'ailleurs. Le reste de la table ? Du tight weak sans aucun intérêt. Désolé de ne pas pouvoir être plus positif envers ces gens probablement charmant dans la vie mais je ne me tape pas le train pour aller jouer à l'ACF afin de me faire des amis...

    Est-ce qu'on peut me battre quand je ne suis pas fatigué ? Oui, je ne vois pas le rapport. Un vieil habitué de l'ACF m'a bien fait souffrir le dimanche matin. On a dû finir à peu près even mais je n'ai aucune idée de ce que cela aurait donné à long terme. Et il ne me viendrait pas à l'idée de critiquer son jeu ou d'être irrespectueux.

    Je suis très facilement prenable... mais pas par beaucoup de joueurs qui évoluent à la 30. C'est pas une question d'être humble ou pas, juste un constat. Et si j'allais me risquer sur la limite au-dessus, je pense que mon appréciation changerait du tout au tout. Avec toute l'humilité qui serait de rigueur ;)

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