0.51^10>1/1000
Tel est l'étrange mail que j'ai reçu cette semaine. Et j'ai mis un peu de temps à le comprendre. Ça me disait bien quelque chose... mais quoi ?
Et puis, ça m'est revenu. C'était une vieille discussion sur 2+2 pour expliquer la valeur d'un edge minime. L'explication :
sur un tournoi de 1000 joueurs, vous représentez au départ 1/1000 des jetons en jeu. Pour un joueur lambda, ce 1/1000 représente aussi ses chances de gagner le tournoi (0,1%). Ou, autrement dit, de récupérer tous les jetons des 1000 joueurs en jeu. Une des façons d'y arriver est de doubler 10 fois de suite (2*10>1000). Or, la probabilité de gagner dix 51/49 est de 0,12%. Soit plus que ses chances de départ pour n'importe quel joueur. Autrement dit, ne jouer que des
coinflips "favorables" permet déjà en théorie d'avoir un
edge en tournoi.
Évidemment, dans la réalité, impossible de savoir si votre paire de 4 est en
coinflip ou dans une situation
ultra-dominée. On ne joue pas dans un univers
Sklanskien où l'on connaît les cartes de nos adversaires (sauf super user
account mais ceci est une autre histoire). Et tous les coups ne se joueront pas face à un tapis suffisant pour doubler (ou avec un tapis suffisant sous l'érosion des
blinds et ante).
Mais ce qu'il importe de garder en tête, c'est cette idée qu'il suffit de multiplier de très petits
edges pour être gagnant. De peu, certes. Mais gagnant tout de même. Une estimation régulièrement utilisée est que, si un joueur moyen fait top 3 d'un tournoi à 100 joueurs dans 3% des cas (ses chances de départ, donc), un joueur correct (50% de ROI) sera sur le podium dans 5% des tournois et un excellent joueur (ROI de 100%) dans 6,5%. Et notre "
coinfliper" serait autour de 3,5%.
Ramené à notre équation de départ, cela revient à dire que la différence entre un très bon joueur et le "
coinfliper" n'est donc pas si grande. Ou qu'un très bon joueur ne perd quasiment rien en acceptant toute situation favorable, quel que soit
l'edge. Pour autant, réduire de "1" son besoin de
coinflips, ou augmenter de 4% son "
edge" par main (jouer des 55/45 plutôt que des 51/49 par exemple), permet de doubler ses chances de victoire.
Évidemment, dans la réalité, le très bon joueur va surtout aller chercher ses jetons ailleurs que sur des
coinflips, notamment par son agressivité. Mais, statistiquement, la différence équivaut à un
coinflip de plus. Ou de moins.
Il y a (au moins) deux choses à tirer de ce petit calcul. La première, c'est qu'il ne faut pas surestimer
l'edge dont on dispose en tournoi (en terme de "performance" pure). Pour autant, cet
edge est, en réalité, énorme et se traduira par un ROI cinq à dix fois supérieur (pour rappel, si le gros
regular ne fait que deux fois plus de top 3 que le joueur moyen, financièrement, cela revient à passer de zéro bénéfice à bénéfice=investissement. Autrement dit, à doubler ses gains à investissement égal.
Tournez-le dans le sens que vous voudrez mais c'est là que notre ami "
coinfliper" prend un bonne grosse beigne dans les gencives). La seconde, et c'est aussi la principale et l'explication de la première, c'est, encore et encore, que la variance pèse un poids énorme en
MTT.
L'erreur que commet la plupart des joueurs un peu évolué (moi le premier), est de s'attacher trop aux performances brutes. On s'en veut de louper la Table Finale. On se maudit de sauter encore et encore en perdant un foutu
coinflip à 30 ou 40
left. On a envie de se suicider en ne faisant pas mieux que 5 ou 6ème. Et on oublie que, même pour les meilleurs, il est déjà satisfaisant de faire deux ou trois fois plus de top 3 que le joueur moyen.
Ce n'est pas forcément très grave quand on est un joueur "
recreational". C'est même parfaitement compréhensible.
Ça devient un handicap pour qui espère en vivre.
C'est en tout cas la conclusion que je tirerai de ce mois de mai bien pourri. Je ne sais pas si le "
bad run" m'a réellement fait franchir les limites du tilt. J'ai en tout cas pas mal navigué dans les eaux limitrophes. Et, si j'ai l'impression d'avoir plutôt bien géré, je sais aussi que cet acharnement à la "performance" m'a au moins pourri la vie (moral, fatigue, nervosité, irritabilité,...) ces dernières semaines.
Alors que, si on compare les
stats d'avril et mai pour les tournois à $55 et plus :
Avril : 87
MTT, 20
ITM (23%), 12 fois dans les 36 derniers (13.8%), 7 fois dans les 18 (8%), pour 5
TF (5.7%) dont 1 top 3 et 1 victoire. Soit 2.29% des tournois terminés top 3.
Mai : 92
MTT, 19
ITM (20.6%), 9 fois dans les 27 derniers (9.8%), 4 fois dans les 18 (4.34%), 1 victoire. Soit 1.08% des tournois terminés top 3.
Joueur moyen (avril ou mai) : 2% de top 18. 1% de
TF. 0,33% de chances de terminer top 3.
Dans le "feu de l'action", je n'ai fait que voir l'incapacité à franchir le cap des 27 ou des 18 derniers joueurs. Au point de devenir obsessionnel. Alors que, statistiquement, tous ces chiffres sont aussi corrects en mai qu'en avril : entre 2 et 3 fois le score moyen. Avril étant nettement
sur-représenté en top 3 après un gros palier entre 27 et 36 joueurs restant, la suite m'étant très favorable. Mai étant
sous-représenté en
TF avec deux gros paliers où j'ai manqué de réussite, top 27 et top 18.
Au final, mai a même quelques aspects réjouissants : moins présent dans les 36 derniers qu'en avril, certes. Mais plus souvent dans les 27 derniers. Et en réussissant à convertir la seule
TF en victoire alors que seulement deux
TF sur sept se terminaient sur le podium en avril.
Bien sûr, focalisé sur les "
badbeats" subis alors qu'il ne restait plus que deux ou trois tables, tout cela m'a totalement échappé. Et pourtant, en prenant le recul nécessaire, sauter 6ème ou 13ème ou 24ème... ou 279ème! est absolument la même chose : peu importe la façon dont on rate le top 3, on vient de rater un top 3. Comme on ratera le top 3 le plus souvent, que ce soit 97,71% du temps en avril, 98,92% en mai... ou 99,69% pour le joueur moyen. Qu'on passe à côté en terminant 6/13/24/279ème ne change rien.
Ça ne devrait être ni une consolation. Ni une source de frustration. C'est seulement l'écrasante majorité. Avec laquelle il faut vivre. Car telle est la réalité du joueur de tournoi : il vit sur l'exceptionnel. Et son principal atout, s'il veut réussir, est de savoir multiplier ses chances de réussir l'exceptionnel. Et de mieux valoriser ses chances quand il en approche.
Si on cumule avril et mai, dans mon cas :
3 fois plus souvent dans les 36 derniers que le joueur moyen
3,2 fois plus souvent dans les 18 derniers
3,5 fois plus souvent dans les 9 derniers
6 fois plus souvent dans les 3 derniers
11 fois plus souvent premier
Évidemment, tout cela repose sur un échantillon statistique qui n'a aucune valeur. Mais quand je regarde comment mon écart se creuse par rapport à la moyenne plus on progresse dans le tournoi, je m'inquiète vraiment de cette frustration qui n'a pas cessé de monter au cours du mois.
Mai devait être le mois de la consolidation. Financièrement, on en est loin puisque je suis largement dans le rouge. Mais, en terme de jeu, par rapport aux seules données qui devraient réellement compter, c'est à dire la capacité à aller le plus loin possible et à valoriser au maximum une fois
deep, ce fut le cas. Il a manqué certes un peu de réussite. Tout comme j'en avais eu plus que ma part en avril. Mais cela n'a, en réalité, aucune importance.
Et ce sera mon objectif principal pour juin : savoir terminer 15ème comme 354ème.
Ça peut sembler paradoxal. Mais je pense que franchir le prochain palier de jeu passe par cet "exercice"
contre-intuitif.
En attendant, ce sera tout ce
kipik qui en a déjà fait bien des tartines pour aujourd'hui
# by Anonyme - 2:53 PM
Effectivement, à condition de faire beaucoup de tournois, on fait autant d'argent en ratant son premier coin-flip qui nous sort 354e que son 7e qui nous sort 18e.
On gagne de l'argent en prenant des bonnes décisions, pas en ayant un coup de bol.
Mais si tu fais 90 tournois par mois, il te faut 10ans pour avoir peu de variance.
A structure égale, faire les SnG de 180j sur PokerStars réduit pas mal ces problèmes.
# by Anonyme - 10:33 AM
Content de te voir faire ce genre de post Kipik depuis le temps qu'on te dit que de faire que des gros MTT, sans avoir la BR necessaire, est du suicide.
Avec une petite BR il vaut mieux faire des tournois à moins de 100players, et en faire bcp plus par mois.
Certes le gain en % est plus faible, mais le gain en cash est bien plus regulier. Et c'est justement de ça que l'on a besoin pour se faire une grosse BR petit à petit.
Tu es certainement un bon joueur, mais qui joue pas dans la bonne categorie.
Bon courage.
# by Anonyme - 5:08 PM
Je lis en ce moment WiTHG moi aussi et voici ce que je retiens d'important: l'antinomie finale du livre entre les petites choses inconséquentes du poker (le main par main, voire coup par coup I.E. le vol de blindes; etc.) bref le small edge... VS Les 3 seules choses qui influent vraiment sur une carrière: il ne faut pas se bourrer le mou avec les petits détails qui ne comptent pas, "l'ai je bien descendu, ce donk, ouin j'ai encore perdu un coinflip, dix coinflips, trente coinflips." Tout ce qui compte à la fin c'est la solidité dans les domaines qui comptent. 1. Gestion de bankroll impeccable, overrolling indécent constant, les mauvais joueurs peuvent gagner gros pendant de longues périodes de temps de jeu, les bons joueurs peuvent perdre gros pendant trop longtemps. Le risque de ruine avec une bankroll de 300BB en cashgame est de 20 pourcent, c'est énooorme. 2. Le choix du terrain de jeu: choisir la bonne table et le bon siège. Je ne peux pas gagner à la table ou il y a 5 joueurs meilleurs que moi. 3. Le psychologique et le tilt. C'est le point intéressant qui nous rapproche de ce blog. Le joueur de poker doit etre dopé aux betabloquants... notre cerveau ne doit pas nous gonfler d'orgueuil dans les victoires et nous enterrer plus bas que terre lors des défaites; pas de fortes émotions. Laissez le faire des gros MTT, son but c'est d'en claquer un gros de temps en temps et LUI, il PEUT LE FAIRE. D'ailleurs je lui souhaite de le refaire le plus vite possible ;) A lire certains commentaires on mesure combien la critique est facile et l'art est difficile...
# by Anonyme - 5:38 PM
Ne jouant quasiment qu'en MTT, je me retrouve complètement dans ta description de frustration liée à la non-accession au top 3.
Grâce à ton article, je réalise qu'il est important de se "donner les moyens" d'atteindre régulièrement ce top 3.
Si empiriquement et mathématiquement le raisonnement est juste, je pense néanmoins qu'il peut affecter à court terme et de façon plus ou moins consciente les décisions instinctives qui doivent être prise au cours du tournoi, notamment avant l'arrivée dans les 27 ou 18 derniers.
En tout cas félicitations pour ton blog si instructif !
giggs
# by Anonyme - 5:32 PM
Bonjour,
Aurais tu quelques sources d'informations à me communiquer à propos des résultats en fonction du niveau du joueur
ROI
% ITM
...
merci d'avance pour un lien
# by Anonyme - 9:40 PM
tu tappes officialpokerraking ds google et tu trouveras un site gratuit très complet
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